
Elle est là. Elle m’oppresse. Elle s’insinue au plus profond de moi.
Suffocation.
Accroupie, blottie contre mon dos, elle gratte doucement la chaire de mon épaule et me rappelle chacun de mes mauvais choix. Elle me hante et murmure, inlassablement. Je sens tout son poids. Je dois la porter.
Et moi?
Ses cheveux courts caressent ma nuque et me provoquent des frissons de malaise. Je peux sentir son souffle attaquer ma peau. Et ses paroles me heurter, une à une. Le regard presque caché, mais noir. Un sourire malsain. Les sourcils froncés. Elle se repait.
Je disparais petit à petit.
« Tu es une tache. Tu es inutile. Qui se soucie de toi? Tu devrais mourir. Ta naissance est une erreur. »
Chacun de ses mots entaillent mon corps. Ses phrases sont comme des lames aiguisées. J’ai beau tenter de les éviter, elles arrivent toujours à toucher leur cible.
Mon cœur?
Sa voix est faible, mais je la reconnais. La mienne. Mais plus grave… Plus rauque? Elle est petite, et prend pourtant tellement de place.
Comme un déni de grossesse, elle a grandi en moi, lentement. Elle s’est nourri de la haine. A aspiré toute la noirceur qui me touchait. Et quand elle est enfin née, elle était déjà monstrueuse. Si sombre. Si triste…
On se hait.
Comme une mère en difficulté, je l’ai laissée prendre le dessus. Me diriger. M’anéantir. Me gouverner.
Et alors que je me sens tomber, m’allonger en position fœtale, les lèvres gercées par la soif d’amour… Ma main se tend. Elle effleure sa joue. Puis j’attrape sa main.
Elle est petite, frêle, si maigre. Je sens les os de son poignet et je crains de la briser, sans même serrer. Et alors, je comprends.
Bercée par la haine, je devais lui répondre avec amour. Apprendre à l’aimer. Pour me sauver, je dois la sauver.
Et la sauver, c’est apprendre à m’aimer.
Image par Lars_Nissen de Pixabay