Psiek passa une main sur son front découvert par une partie du masque, essuyant comme elle pouvait le sang qui l’avait éclaboussée.
La victime face à elle était présente depuis moins de deux semaines. Et elle n’avait absolument rien d’une paysanne ou d’une fille endurcie, bien au contraire. En général, en ce laps de temps, on pouvait acquérir au moins un ou deux réflexes de combats. Ne serait-ce que des réflexes de défense, comme se protéger le visage avec ses avant-bras, et non avec ses mains.
Mais pas elle. Si on lui disait que cette gamine n’était qu’une simple bourgeoise qui venait de débarquer, elle le croirait sans problème.
Elle soupira et secoua la tête. Elle voulait en finir le plus vite possible avec cette perte de temps. Elle avait d’autres choses à gérer. La jeune femme ne pouvait s’empêcher de se demander, depuis une semaine, s’il était réellement normal que Nicolae refuse de coucher avec elle.
Il lui semblait pourtant que seul les Jouets du Maître avaient la possibilité d’être proche de lui, ce qui impliquait… De coucher avec ?
En fouillant dans sa mémoire, Psiek commençait à se remémorer. Oui… Lorsque Fémence avait parlé des différents rangs, il avait précisé que seul le Jouet pouvait apporter des faveurs sexuelles au Maître. Pourtant, il lui avait intimement interdit. Il ne voulait aucun contact physique avec ses parties « trop intimes ». Peut-être que, finalement, l’homme ne lui faisait pas encore assez confiance…
Pourtant, elle n’avait pas vraiment le choix. Elle savait qu’un Jouet ne le restait jamais bien longtemps. Et si elle voulait mener son plan à exécution, elle DEVAIT dormir avec lui. C’était primordial.
Elle devait tout exécuter de nuit. Son plan ne pouvait pas fonctionner autrement.
La Faucheuse soupira, se glissant derrière la pauvre femme qui suppliait qu’on l’épargne. Elle était tellement habituée à ce genre de scène qu’elle était plus agacée qu’apitoyée. La châtain savait qu’elle avait perdu une grande partie de son humanité.
Sa main saisit ses cheveux avec violence, à la base, les tirant d’un coup en arrière pour redresser sa tête, exposant son cou. Elle attrapa un poignard et commença à l’approcher de la gorge, ses yeux se perdant dans la foule pour observer l’impatience et l’excitation grimper. En réalité, elle attendait surtout un signe du Maître. En général, il hochait la tête discrètement pour confirmer qu’elle pouvait exécuter sa victime.
Psiek n’était même pas sûre qu’il se rende compte de ce geste inconscient.
Alors qu’elle allait glisser le poignard pour en finir, un cri retentit parmi les spectateurs, surprenant la demoiselle et faisant lâcher son couteau.
Ses yeux se posèrent sur un homme qui s’avançait dans la tribune, le regard fou et paniqué. Elle fronça les sourcils et attendit une réaction de son Maître. Mais ce dernier ne semblait pas intéressé par le mouvement. Il attendait visiblement que la personne s’exprime.
- « Ne la tuez pas, par pitié ! Il s’agit de ma sœur… Vous n’avez pas le droit de la tuer ! »
L’homme semblait totalement paniqué. Il expliqua que ses parents avaient offert sa sœur au Maître comme cadeau amical. Mais il était prêt à tout pour la sauver.
Visiblement paniqué, il proposa de racheter Psiek. Il était prêt à donner un prix faramineux pour elle. Si elle laissait la vie sauve à sa sœur, il payerait sa liberté. Elle serait enfin libre.
Le châtain sembla surprise. Liberté. Elle ne l’avait jamais imaginé autrement qu’avec son plan. Elle ne s’était jamais dit qu’elle pourrait enfin partir d’une autre manière.
Son regard se glissa vers le Maître qui ne semblait pas avoir réagi à cette interruption. Il continuait de manger nonchalamment sa grappe de raisin, Fémence se penchant parfois et pouffant de rire, comme si le Maître lui racontait l’une des meilleure blague du siècle. Lorsqu’il tourna enfin son regard vers Psiek, il se contenta de hausser les épaules, comme s’il se foutait de sa décision.
Elle pouvait être libre. Elle avait affronté de nombreuses épreuves, et la solution semblait soudainement si simple… Être rachetée par un autre riche. En l’échange d’une vie sauve.
La Faucheuse sourit et relâcha doucement les cheveux de la victime. Tandis qu’un sourire de soulagement s’installait sur le visage du potentiel acheteur, elle saisit la tête à deux mains et la tourna d’un geste brusque, un craquement sinistre retentissant jusque dans les gradins.
Un hurlement d’effroi s’échappa du frère tandis que le corps de la jeune victime retombait sur le sol dans un bruit sourd.
- « Mon unique but est de servir mon Maître. Je me fous de la liberté. Je ne vis que pour lui ! » déclara-t-elle d’une voix claire.
Alors que l’homme furieux jurait de se venger et de l’anéantir, Psiek observa Nicolae effectuer un simple geste. Comprenant, elle commença à rejoindre les escaliers des gradins et le rejoignit, s’agenouillant face à lui. Elle saisit délicatement la main tendue et l’embrassa avec délicatesse, jurant que sa vie ne pouvait jurer que par lui.
La combattante ignora les cris de fureur de celui que l’on évacuait de l’arène. Elle devait avouer qu’elle avait été tentée, un court instant. Mais elle comprenait mieux pourquoi elle n’avait jamais envisagé une telle chose dans ses plans.
Jamais le Maître n’aurait accepté une telle chose. Il se foutait de l’argent. Il en possédait bien assez pour un millier de vie. Accepter un tel contrat, ça aurait été signé son arrêt de mort.
Peut-être qu’enfin, elle venait de gagner la confiance de son très cher Maître…
L’homme proposa à Psiek de rester près de lui pendant qu’il regarderait la suite des combats. La jeune femme s’installa au sol près de lui, laissant Fémence la débarrasser de son masque et lui confier une serviette pour essuyer sommairement son visage et son cou tachés de sang.
Elle sentit soudainement une main se poser dans ses cheveux et commencer à la caresser, comme s’il s‘agissait d’un animal. Un animal sauvage. Elle était comme un fauve posé près d’un seigneur tout puissant.
Bien sûr, elle n’avait pas la prétention de s’imaginer ainsi. Mais elle savait que c’était ce que pensaient les autres. Les convives l’observaient avec envie et crainte. Elle était une lionne affamée et dangereuse qui n’obéissait qu’à une seule personne.
S’ils savaient…