Chapitre précédent: Chapitre 14: Instinct dangereux.

Son regard glissa délicatement sur les draps de soie qui couvrait le corps endormi près de lui. Encore une fois, il s’était particulièrement ennuyé durant ce petit moment de folie. Elle avait été si soumise. Bien trop soumise…

Un soupire s’échappa de ses lèvres tandis qu’il se leva, enfilant son pantalon et sa chemise avant de sortir de la pièce. Depuis qu’il avait goûté à la sauvagerie de la tigresse, les autres femmes lui semblaient bien trop… Délicates ? Non, ce n’était pas le mot. Parfois, Psiek savait se montrer délicate, sous ses airs bourrins.

Tout simplement, après avoir goûté à une prédatrice, de simples proies ne suffisaient plus à le contenter. Il avait besoin d’un challenge, d’une puissance égale à la sienne. Être soumis n’était pas un objectif. Non.

Fémence avait besoin de quelqu’un qui lui était égal, tout simplement.

Passant une main dans sa chevelure rousse, il se hasarda dans les couloirs sans véritable but. Lorsqu’il n’y avait ni invité, ni tournoi, le manoir lui semblait d’un ennui à toute épreuve. Certes, il était toujours en charge des filles, mais cela ne l’amusait plus autant qu’avant. Il manquait quelque chose d’important.

Un peu plus de puissance, peut-être ?

Un soupire s’échappa des lèvres du roux tandis qu’il montait lentement les marches. Quiconque le croisait baissait immédiatement le regard par respect. Certaines ménagèrent lançaient parfois une œillade vers lui, l’espoir dégoulinant sur leurs visages. Un espoir qui donnait la nausée à cet homme si fier.

Si elles n’avaient pas été hissées au rang de coquette, ou même de paon, c’est bien parce qu’aucune beauté ne se dégageait d’elles. Leur seul intérêt ici était de tenir les lieux propres et d’apporter du confort aux occupants.

Et pourtant. Elles ne se lassaient pas d’espérer, dans un mutisme fracassant et avec une passivité agaçante. Leur seul courage de la journée était de l’observer, lui. Comment osaient-elles poser leurs yeux sur la perfection qu’il représentait ?

Un frisson parcourut l’échine de Fémence, mais son sourire doux restait collé sur son visage. Il se contenta d’incliner légèrement la tête en leur direction, les regardant pouffer et s’activer davantage pour s’attirer de potentielles faveurs.

Il gardait toujours ce masque en présence d’individu. La seule qui avait pu le voir sans faux-semblant était Psiek. Et encore. Il ne lui avait pas laissé assez de temps pour qu’elle soit sûre de ce qu’elle avait vu. Il s’amusait beaucoup avec elle. La jeune combattante avait beau tenter de se dépatouiller et de s’en sortir, elle ne savait toujours pas que c’était lui qui tirait les ficelles. C’était lui qui gérait tout ce qui se passait au manoir, grâce à l’Hôte.

Heureusement qu’il était là…

Après avoir renvoyé les servantes dans une autre pièce que la grande Bibliothèque, le rouquin laissa ses doigts glisser sur les nombreux dos des livres. Il avançait lentement, s’arrêtant finalement devant un dos particulièrement banal. Il se fondait parfaitement dans la masse. Mais ce n’était pas ça, le plus important.

Fémence glissa son doigt dans la coiffe, l’enfonçant autant qu’il le pouvait. Il atteignit un minuscule interrupteur et l’enclencha, tirant ensuite le livre vers lui. Une résistance se fit sentir et le mur trembla légèrement avant de s’ouvrir.

L’homme n’était pas assez stupide pour utiliser un simple mécanisme. Les servantes nettoyaient les livres. Il avait donc pensé à quelque chose de bien plus poussé. Cela avait mis du temps mais… Il avait eut les meilleurs ingénieurs sous ses ordres. Et il était sûr que, là où ils se trouvaient, ils ne partageraient jamais ce petit secret…

L’androgyne commença à descendre ce qui semblait être des escaliers, après avoir refermé derrière lui le passage secret.

Les murs étaient incroyablement lisses, d’une blancheur éblouissante. La simple lueur d’une bougie suffisait à tout éclairer. Il avait toujours préféré cette couleur éclatante à toutes les autres. La pureté. La fragilité. L’éclat d’un cristal que personne ne pouvait toucher.

Ce n’était rien qu’à lui.

En bas des escaliers se tenait une grande pièce. Fémence claqua des doigts et fit apparaître de petites flammes sur chaque chandelier mural, faisant apparaître une table qui était camouflée dans l’ombre. Contrairement aux escaliers, la pièce était d’un noir épouvantable. Et une odeur nauséabonde semblait se répandre. Si on regardait mieux, on pouvait voir d’épaisses traces de sang séchées qui se dirigeaient toutes vers le centre de la pièce, où une grille semblait permettre l’évacuation de tout liquide.

Fémence songea qu’il devrait utiliser une servante pour nettoyer l’endroit. Une qui n’était pas trop utile, pour pouvoir la supprimer ensuite. Personne ne devait connaître son petit secret…

L’homme s’approcha de la table et retira délicatement le drap qui était posé dessus, dévoilant un cadavre. Bien que le corps était glacé, la mort ne remonté qu’à deux jours. Il était donc encore intact. Ce qui était le plus important.

Le roux tira un de ses cheveux, ouvrant le torse avec grossièreté et glissant le crin dans l’amoncellement d’organes. Il attrapa une aiguille et du fil et referma la plaie avec minutie. Il ne fallait pas que la cicatrice ne soit trop grossière. Elle devait pouvoir guérir normalement.

Dans un silence presque solennel, Fémence eut un souffle prononcé, éteignant toutes les lumières et allumant des bougies tout autour de la table. Les flammes étaient rougeâtres et semblaient danser en attendant que leur maître exécute le sortilège. Un sourire se dessina d’ailleurs sur les lèvres de l’androgyne. Il adorait ça. C’était un sentiment de puissance qui s’emparait de lui.

­ «  Falsa vita corporis intrat. Fac mea. Coniunctum animae meae. Surgere, nunc enim es ordines. »

La voix de Fémence semblait s’élever dans les airs, dans un écho terrifiant, tandis que ses yeux s’éblouirent d’une vive lumière bleue. Un vent semblant s’engouffrer dans la pièce et tourner tout autour de l’homme et du cadavre, ce dernier commençant à trembler et à se mouvoir.

Les bougies s’étteignirent toutes en même temps et le silence retomba dans la salle. Seul des bruits de pas trahissaient le lieu.

Le roux claqua des doigts pour rallumer les chandeliers muraux, observant le cadavre désormais animé, qui s’était agenouillé devant lui. Il faudrait une journée pour qu’il soit totalement opérationnel. Mais cela avait fonctionné. Encore une fois. Comme toujours.

Était-ce réellement si surprenant? Après tout, il était si fort, si doué. Dieu lui-même ne pourrait pas rivaliser avec ses talents. Avec son don…

­ « Les cicatrices ne se soignent toujours pas d’elles-même. Il va falloir que je m’exerce davantage. Ne vous en faites pas, Père. Votre tour viendra bien assez vite…»

Chapitre 16