Psiek tenta de se relever, soulevant difficilement son corps. Elle cracha un mélange de sang et de sable sur le sol, le cœur battant la chamade. Quand on avait annoncé ce combat, elle s’était sentie déçue que ce ne soit pas un match à mort. Mais désormais, elle était rassurée. Sinon, elle serait morte. Et dans un état bien pire…
« Alors la gueuse ? Relève-toi. J’ai pas fini de m’amuser ! » chantonna une voix bien trop familière à son goût.
La châtain se releva finalement avec difficulté, jetant un regard noir à cette satanée brune. Elle détestait vraiment Mérisse. Depuis quand combattait-elle ? Jamais, en général. Mais le Maître l’avait exigé. La brune n’était pas seulement supérieure en rang. Elle était effroyablement forte. Il était dur de savoir si c’était en partie dû à son assurance naturelle, ou si c’était l’exercice quotidien de ses tortures qui l’avait aidé à atteindre un tel niveau. Une seule chose était sûre : Elle savait taper là où ça faisait bien mal.
Psiek tenta de réfléchir un moment. S’élancer tête baissée vers elle ne servirait à rien. Hors de question de déclarer forfait. Surtout pas contre elle. Mais, une défaite serait tout aussi douloureuse mentalement…
La demoiselle sentit une légère crainte s’insinuer en elle et, dans un réflexe étrange, elle tourna le regard vers Fémence. Elle ne put observer la surprise de ce dernier, le Maître plongeant immédiatement son regard dans le sien. Des rougeurs s’installèrent sur les joues de la jeune femme. Et s’il savait ce qui s’était passé entre elle et Fémence ?
Ce questionnement la perdit, permettant à Mérisse d’enfoncer son poing dans une zone très précise de son buste : Au niveau du foie. Psiek se plia lentement en deux et sentit une violente douleur s’élancer dans son corps. Elle cracha un peu de sang après s’être mordu accidentellement la langue. L’incompréhension totale se lisait sur son visage. Combien d’étages allait-elle descendre après cet échec ? Et si elle perdait un prochain combat ? Et s’il s’agissait d’un combat à mort… Son plan de vengeance semblait soudainement s’émietter. Elle se rendait davantage compte du danger de sa vie. La demoiselle avait pratiquement oublié la douleur d’être dominée dans l’arène. Elle qui avait pourtant enchaîné victoire sur victoire…
Son esprit carburant, elle poussa un cri de douleur lorsque son ennemie saisit sa tignasse et la força à relever la tête, lui infligeant plusieurs coups de poings d’affilés sur le nez. Il n’était pas encore cassé, mais ça n’allait pas tarder. Et le sourire qui se réjouissait face à elle l’énervait au plus haut point…
Son corps tomba soudainement et se retrouva inanimé dans les mains de Mérisse, provoquant une surprise dans la foule. La brune, passablement agacée de voir sa victime s’évanouir, souleva son crâne pour avoir son visage face à elle. Mais alors qu’elle allait se faire inspecter les yeux, Psiek ouvrit la bouche, fonça sur le côté gauche de son adversaire et arracha violemment l’oreille avec ses dents. Elle tomba lourdement sur ses fesses, relâchée par la poigne de Mérisse.
Cette dernière poussait un hurlement mêlant fureur et douleur. Du sang dégoulinait le long de son corps et elle effectuait des mouvements brusques et saccadés. Cette petite traînée allait le payer très cher…
La brune se pencha et sortit un drôle d’objet de sa botte. Elle l’ouvrit, révélant un petit coupe-chou qui avait l’air particulièrement aiguisé. Elle fonça sur Psiek et donna un premier coup. La châtain se recula mais sentit une douleur au niveau de sa joue gauche. Elle passa sa main et sentit du sang couler, effrayée.
Les objets étaient pourtant interdits.
Elle déglutit difficilement, sentant une immense frayeur la prendre. Mérisse était furieuse. À tel point qu’elle s’avançait au hasard en donnant des coups dans le vent, tentant de toucher sa victime.
Heureusement, la voix du Maître retentit, ordonnant à Mérisse de se stopper. Cette dernière se figea immédiatement, relâchant son arme et se mettant à genoux. L’envie de meurtre continuait de tordre son estomac. Mais jamais elle n’irait contre les ordres de l’homme le plus important dans sa vie.
Pour la première fois depuis longtemps, le Maître se leva et descendit des tribunes pour rejoindre l’arène. Il ignora totalement le regard de son admiratrice, se concentrant sur la châtain dont le visage était abîmé. Nicolae approcha sa main et effleura délicatement la joue de Psiek. Des murmures s’élevèrent un peu partout : Jamais encore le Maître n’avait montré le moindre soupçon d’inquiétude pour qui que ce soit…
« Fémence. Emmène-la, qu’elle se fasse soigner et laver. Et conduis-la ensuite dans une chambre. »
Le roux hésita un peu mais acquiesça finalement, attrapant la main de la demoiselle et la guidant, sans un regard pour Mérisse. Il était parfaitement interdit d’utiliser une arme durant le combat. Il espérait qu’une punition sévère la remettrait enfin à sa place. C’était un bon élément, il serait dommage de s’en débarrasser.
Mais s’il le fallait…
Fémence secoua la tête et se dirigea vers l’une des salles de bain du rez-de-chaussée, aidant la demoiselle à se dévêtir. C’était la première fois depuis longtemps qu’il la voyait aussi abîmée. Il pouvait par ailleurs deviner des larmes aux coins des yeux de la demoiselle. Elle avait eut peur, sans aucun doute. Mais elle tenait bon pour ne pas pleurer.
L’air de rien, elle s’était réellement renforcée. Mais pas encore assez.
Il commença par nettoyer ses plaies avec une certaine délicatesse et commença à les soigner. Heureusement, Psiek n’était pas du genre à vouloir cacher les marques sur son corps. Par ailleurs, elle arborait toujours fièrement le signe sur le haut de sa poitrine, comme par arrogance. Dans un sens, c’était cette assurance qui la rendait plus désirable.
Le roux ne put s’empêcher de lâcher un petit rire en songeant qu’elle rendait attirant tout ce qui était sensé être abject. Les poils, les cicatrices… Et ce caractère un peu trop rebelle à son goût. Il avait toujours préféré les femmes qui savaient se taire et se mettre à leur place. Quoique… Ce n’était pas un caractère qu’il appréciait uniquement chez les femmes. Chez les hommes également. Tout était mieux quand les autres évitaient de s’imposer.
Fémence termina de laver et panser la jeune femme, l’aidant ensuite à s’habiller d’un simple peignoir. Il ne savait pas dans quelle chambre la mettre, mais il savait que ce ne serait pas dans celle de Psiek. Il lui fallait quelque chose de plus confortable.
« On aurait mieux fait de fouiller Mérisse avant de la faire entrer dans l’arène. Il aurait été fâcheux qu’elle fasse foirer le plan en te tuant… »
« Le plan… Quel plan ? » demanda Psiek, sentant malgré elle une pointe de rage l’envahir.
Fémence venait de prononcer le mot plan. Même si son cerveau était un peu dans le brouillard par la douleur qui la traversait, Psiek comprenait que ce bottage de fesses en puissance avait été prévu dès le départ. Les combats étaient donc réfléchis ? Elle pensait pourtant qu’il s’agissait d’un tirage au sort, ou de quelque chose dans le genre… Elle n’aurait pas imaginé que tout était calculé.
Après tout, son premier combat avait été contre une expérimentée. Cela n’avait aucun sens…
Le roux lui fit signe de se taire, la conduisant dans le rez-de-chaussée. La demoiselle put observer autour d’elle avec concentration et fascination. Chaque pièce était décorée avec goût et mettait en avant la richesse du Maître des lieux. Et pourtant, il ne s’agissait visiblement pas d’exposer vulgairement. Tout semblait réfléchi avec finesse… Il y avait un goût prononcé. On ne ressentait pas de jalousie mais…
Comme une certaine admiration ?
Psiek secoua doucement la tête. Elle traversa un long couloir dont l’un des murs était remplacé par une gigantesque vitre. Elle pouvait voir à travers celle-ci une sorte de jardin couvert… Et des femmes qui vaquaient à des occupations plutôt inutiles. On pouvait les voir se faire belles, s’habiller, échanger des banalités… Leur présence en ces lieux ne semblait avoir aucune logique.
« Ce sont des Coquettes. Ne cherche pas à comprendre quoi que ce soit. Elles ne sont là que pour illuminer les alentours de leur beauté. C’est ravissant, n’est-ce pas ? » s’enorgueillit Fémence.
Inutile, songea Psiek. Et puis quoi encore ? Il était déjà humiliant d’être utilisée comme un objet de distraction et de combat… Mais être utilisée comme un objet de décoration ? Elle se sentait soulagée de ne pas avoir fini dans cette case. Même si les filles dans l’enclos ne semblaient pas malheureuses… La châtain préférait se battre dans un environnement instable plutôt que de vivre dans une prison de cristal. Ce n’était même pas une prison.
C’était un enclos. Elles étaient du bétail.
« Ça en devient ridicule. J’ai l’impression que le Maître n’est qu’une pâle copie de ces méchants que l’on peut retrouver dans les légendes… »
Fémence haussa un sourcil et observa silencieusement la jeune fille à ses côtés. Depuis leur petit moment intime, il avait l’impression qu’elle se lâchait un peu plus. Mais, parfois, il avait la sensation qu’elle le testait. Qu’elle vérifiait ce qu’il pouvait supporter dans ses paroles.
Elle était stratège, et il aimait ça.
Il ne répliqua rien, se contentant de rentrer dans une chambre pourpre. Il expliqua à la demoiselle qu’il y avait différentes chambres avec des thèmes et des couleurs pour les Offrandes et les Paons. L’homme ne put s’empêcher de sourire en voyant la demoiselle tiquer. Elle ne connaissait encore que peu le système de rang, ici…
Il lâcha un léger rire et expliqua que certaines personnes ici vivaient la belle vie en échange de quelques faveurs sexuelles.
« Avec le Maître ? »
« Non. Il est rare que le Maître puise dans ce genre de ressources. Il a un Jouet pour ça. Ce sont pour les invités. Ils sont prêts à payer très cher tu sais. »
Psiek fronça les sourcils un court instant. Un Jouet pour ça ? Parlait-il littéralement ? Ou est-ce que c’était encore une question de rang ? Ça ne pouvait être que ça. Tout était question de rang dans ce stupide manoir. Donc, le Maître ne profitait pas du corps de n’importe lequel de ses objets ? Fémence a bien dit UN Jouet… Pas plusieurs… À sa connaissance, c’était bien la première fois qu’un rang était unique.
La demoiselle soupira et s’installa sur le lit, attrapant un oreiller et le serrant contre elle. Elle ne put s’empêcher de jeter un regard méfiant vers le roux. Allait-il tenter quelque chose ? Comme la dernière fois, dans la salle de bain ? Pas qu’elle serait contre, mais son corps n’était pas réellement en état pour et…
Un sursaut la trahit en entendant la porte, se tournant immédiatement. Elle haussa un sourcil, un peu perplexe de voir un enfant entrer avec une serviette dans les bras. Pas une enfant. UN enfant. Un garçon. Hormis Fémence et les bourreaux, Psiek n’avait pas connaissance d’avoir vu un garçon dans les lieux.
« Monsieur Drake avait demandé la chambre Pourpre, monsieur Fémence… »
« Monsieur Drake aura la chambre Bordeaux pour aujourd’hui, Viktor. J’en ai besoin. Dis-lui qu’il aura un rabais » expliqua simplement le roux, secouant la main pour faire sortir le gosse.
L’enfant sortit immédiatement après avoir secoué la tête, leur souhaitant un bon moment. Un bon moment ? Monsieur Drake ? Un rabais… Psiek ne comprenait absolument pas. Qu’est-ce que cela signifiait ?
La jeune femme tourna le regard vers Fémence qui ne semblait pas s’en formaliser. Il lui conseilla de s’allonger et de se reposer, se doutant néanmoins qu’elle ne le laisserait pas comme ça. Quand elle voulait des réponses, elle n’abandonnait pas…
«C’est une offrande. Il doit travailler. Je suppose que tu arrives à comprendre le reste toute seule ? »
Psiek se répétait mentalement la phrase dans sa tête et rassemblait toutes les informations. Pourtant, ce n’était pas dur de comprendre. Mais elle se le refusait. Ce n’était pas possible. L’enfant devait avoir dix ans, tout au plus. Il n’avait même pas l’air choqué. Il avait l’air de vivre une vie normale. Mais ce n’était pas normal. Ça ne devait pas exister. Ce n’était pas possible…
« Je pensais que tu avais enfin compris. Ma jolie petite Psiek… Tu ne sais vraiment pas où tu as atterri. Tu as encore beaucoup à apprendre avant de combattre sur ce terrain qui t’es inconnu… »
Un sourire s’installa sur le visage du roux tandis qu’il attrapa une mèche de la jeune fille, jouant avec. Il y avait encore une part d’innocence en elle. La suite promettait d’être vraiment…
Amusante.
Chapitre suivant: Chapitre 12: La troisième lettre du soumis
Très jolie ate de lire la suite .
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Merci beaucoup, heureuse que cela vous plaise!
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